Pas une semaine ne se passe sans que mes collègues co-workers et moi-même ne dissertions sur l’avenir des médias. Le papier est-il voué à disparaître ? Comment Google va-t-il engloutir l’information de base ? Est-ce aux journalistes de traiter l’info-divertissement ? Bref. Vous l’aurez compris, notre génération d’intellos (plus ou moins précaires) trentenaires adore se faire mal au cortex pour inventer le futur du journalisme.  Et alors que nous estimions notre cher pays (celui des grèves et du bon vin) incapable de se faire remarquer en termes d’innovations journalistiques, eh bien, voilà qu’Arte TV vient de nous clouer le bec. Bon, vous me direz, Arte TV, ce n’est tout à fait français. Mais quand même ! Avec la sortie du Web Documentaire « Prison Valley », nous nous devions de faire un petit cocoricooo.

« Prison Valley », c’est l’histoire, à priori classique, de l’industrie des prisons dans le Colorado. Jusque là, rien d’exceptionnel. En effet, Etats-Unis et Prison sont un couple (et parfois un cliché) particulièrement apprécié par les médias, télé, journaux et cinéma compris. Ce qui est beaucoup moins classique, c’est le traitement du sujet. Là où la majorité des chaînes de télé auraient choisi le format reportage 52 minutes, Arte (soutenu par le CNC) se démarque avec un projet multimédia hors-norme, défini comme un web-documentaire interactif.

L’unique canal de diffusion du sujet, réalisé par les photo-journalistes David Dufresne et Philippe Brault  ? Le web. Conçu sous la forme d’un site internet interactif, « Prison Valley » propose aux internautes un découpage scénaristique totalement inédit. Ces derniers peuvent piocher à leur guise différents éléments de l’enquête. Mais surtout, ils peuvent suivre, pas à pas, le road movie des deux journalistes sur les routes interminables du Colorado, découvrant toutes les réalités de l’univers carcéral de la région. Le tout, avec une navigation sur-mesure, imaginée pour le plus novice des internautes.

Photo, son, vidéo, texte : avec « Prison Valley », le terme multimédia prend enfin tout son sens. Non pour en mettre plein la vue à l’internaute, mais tout simplement pour raconter une histoire autrement, avec profondeur, esthétisme et originalité.

A noter qu’au-delà du travail journalistique (et du montage parfaitement réussi),  le web-doc intègre aussi de nombreux outils comme une inscription automatique en passant par Facebook et Twitter,  des forums (pour discuter avec les inscrits connectés), des tchat, un blog, des portfolios…  Ce petit bijou multimédia  se heurte tout de même à un problème de rentabilité économique.

A l’avenir, la clé se trouvera peut-être dans la réalisation de projets globaux, qui comprendraient film, reportage, web-doc, blog, livre et photo-reportage…

Pascale Lagahe