Le blog

Farid Sidi-Boumedine sur le Web-Gril

Ton job ?
J’ai une double casquette. Côté cour, je suis journaliste, spécialisé en web rédaction. Côté jardin, je suis chercheur en Sciences de l’info-com ; j’analyse les médias et leurs interactions avec la société.

Ton regard sur l’avenir du web ?
Le web n’est pas UN média, mais un tuyau protéiforme par lequel transitent différents médias. Il tend à prendre la place d’autres canaux, comme le papier, les ondes hertziennes ou les crieurs publics. En même temps, c’est également une énorme bibliothèque, un réseau de rencontres, un centre d’affaires, etc. Sans parler de sa dimension technique (réseau connecté par des fibres optiques, des ondes wifi, etc ?). C’est donc impossible de présager d’un seul avenir. Si je devais me contenter uniquement de sa dimension journalistique, on peut déjà entrevoir qu’il permet la fusion des vecteurs médiatiques « historiques » : radio, TV et presse ne feront plus qu’une seule entité. On peut déjà le constater avec le site web de la BBC, par exemple. Je ne prétends pas qu’il va tuer les autres vecteurs, mais que petit à petit ils se ressembleront tous un peu et qu’on aura du mal à les distinguer. Ainsi, Libération ou TF1 seront à la fois un journal « papier », une radio et une télé…

Ton conseil édito ?
Parler vrai, mais surtout l’être réellement. La caractéristique du réseau internet est qu’il conserve une mémoire quasi-illimitée avec des propriétés de résonance démesurées. Faire attention à son image, la peaufiner, ne suffit plus. Les entreprises ne peuvent plus « communiquer » comme avant, au sens galvaudé d’omettre de tout dire. L’internaute n’est pas dupe. Et même s’il l’est aujourd’hui, car on a tout été un jour ou l’autre des pigeons, il ne le sera pas toujours. Et si avec les autres médias il était difficile de revenir aux archives, avec le web, la confrontation entre passé et présent est immédiate. Les promesses non tenues, les mensonges, sont immédiatement décryptables. La crise récente qu’a vécu BP avec l’explosion de leur plate-forme pétrolière est un exemple significatif. Ils ne peuvent pas prétendre impunément que « cette marée n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan ».

Ton site web préféré ?
Difficile de n’en citer qu’un seul. En ce qui concerne la dimension journalistique, j’aime les nouvelles expériences, à la fois éditoriales et techniques, comme celles que mène le New York Times avec les POM (petites oeuvres multimédia) et les Webdocs. Du côté français, j’aime l’intégration graphique et éditoriale de Canal Plus, qui a pris une dimension différente grâce à internet.

Tes outils high-tech du moment ?
Mon stylo et mon calepin. C’est marrant, avant j’utilisais beaucoup mon enregistreur quand j’allais en interview. Et soudain, il est tombé en panne. Comme quoi le web ne tue pas les bons vieux vecteurs de communication… Idem pour les déjeuners au resto ; ça apporte plus de relationnel que FaceBook ou LinkedIn, sinon en quantité, du moins en qualité… Il ne faut pas croire tel quel tout ce qu’on nous présente comme une « nouveauté » ou une « révolution ». Être high-tech ne signifie pas qu’on est plus efficace ou moderne, comme le démontre Yves Jeanneret dans « Y a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ? ».

Ton plus grand « web rêve » ?
Que j’arrive à éteindre mon ordinateur, et à me déconnecter, au moins un jour… Dire que je n’ai plus de télé à la maison ! Mais un écran a remplacé l’autre… (sourire).  Plus sérieusement, je serai bien heureux que ceux qui ont imaginé le web à la base se le réapproprient ; que les penseurs libres remplacent les boutiques de marchands mises en faillite, que le partage libre reprenne ses droits d’antan, que l’on ne tombe pas tous les deux clics sur des hordes d’escrocs prêts à vous piquer votre identité numérique.

Sinon, le web a réalisé le rêve des gens du Sud de dialoguer avec des personnes du Nord sans avoir besoin de visa. Est-ce que ça a favorisé une meilleure compréhension ? Rien n’est moins sur. La réalité y est virtuelle.

 

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